A partir du 1er novembre 2012, tout conducteur de véhicule terrestre
à moteur doit détenir un éthylotest non usagé disponible immédiatement,
sous peine d'une amende. Cette mesure, présentée comme
d'habitude en agitant de bons sentiments comme la continuation de la
lutte contre les violences routières, aura pour conséquence indubitable
de créer un nouveau marché et de constituer une rente
aux sociétés positionnées sur ce créneau.
Cela sauvera-t-il de nombreuses vies ? Il y a fort à parier que,
dans la pratique, l'automobiliste lambda achètera un éthylotest pour le
laisser dans la boîte à gants de son véhicule, un peu
comme on attache au rétroviseur une représentation de
Saint-Christophe ou un petit ours en peluche, et ne changera rien à ses
habitudes.
Celui qui ne boit pas continuera à ne pas boire et n'utilisera
jamais cet appareil, et celui qui boit un peu hésitera à l'utiliser pour
ne pas tomber sous le coup d'une contravention pour non
présentation d'éthylotest. Quant à celui qui boit trop, il aura
déjà beaucoup de mal à ouvrir la portière et à démarrer pour s'occuper
d'autre chose.
Imaginons quelqu'un qui vient de boire un ou deux verres de vin
et qui désire prendre le volant. Il peut décider de se fier à son bon
sens et démarrer sans vérifier son degré d'alcoolémie, ou
bien utiliser son éthylotest. Dans le second cas il risque de se
faire arrêter et de payer une amende pour défaut d'alcootest. Si par
contre il décide de ne pas utiliser son alcootest, il
conserve une chance sur deux de ne pas être en infraction et
donc de ne rien avoir à débourser s'il est contrôlé.
La « bonne » solution serait donc de continuer à se fier à son
bon sens et ne pas dépasser deux doses d'alcool (si l'on pèse 70 kg)
avant de prendre la route. On peut tout de suite prédire
que l'effet de la nouvelle mesure aura un impact infime sur les
accidents de la route.
On objectera qu'il suffira d'avoir deux éthylotests dans sa
boîte à gants, mais ce sera en oubliant que l'on ne fait ainsi que
repousser le problème à la prochaine fois où l'on prendra la
route. Si l'on désire systématiquement vérifier son état
d'alcoolémie avant de prendre la route, la seule solution consiste à
réserver un budget annuel spécifique pour acheter des tonnes de
ces petits instruments. (...)
Comme on peut le lire sur un site de la prévention routière
consulté en août 2012, si 30,8% des tués sur la route correspondent à
une alcoolémie excessive, 36,5% des tués le sont à proximité
d'obstacles fixes en tous genres : arbres, véhicules en
stationnement, glissières, murs, poteaux, panneaux de signalisation,
bordures de trottoir, fossés. Or on « habille » de plus en plus
nos routes avec des signalisations sur les bas-côtés, et on rend
nos rues de plus en plus étriquées pour ralentir la vitesse de
circulation dans les agglomérations. (...)
De nouveaux déchets dans la nature
Retournons à nos éthylotests. Pour « sauver des vies », on
choisit de créer une nouvelle prolifération de petites babioles en
plastique que l'on retrouvera finalement dans la nature. Si 40
millions d'automobilistes devaient effectivement utiliser ces
joujoux cinq fois par semaine, cela ferait 5 x 40 000 000 x 52 = 10 400
000 000, soit plus de dix milliard d'éthylotests par an
que l'on retrouvera dans nos déchets !
Et si la mesure était appliquée scrupuleusement par nos voisins
européens, ce serait des milliers de milliards de tuyaux en plastique
que l'on retrouverait chaque année dans les sols. Peut-on
imaginer toutes ces montagnes d'éthylotests créées dans nos
campagnes ?
Bien sûr, les instances officielles réfléchissent activement sur
« la possibilité d'intégrer les éthylotests dans la filière REP des
déchets diffus spécifiques des ménages », mais pense-t-on
vraiment que l'automobiliste n'aura que ça à faire : de
conserver ses éthylotests usagers pour se fendre ensuite régulièrement
d'un voyage spécial pour les déposer aux points de collecte ? On
peut rêver...
(...)
La véritable écologie commence quand on ne favorise pas la
prolifération d'objets qui ne sont pas indispensables. Chaque objet
acheté sur un coup de tête ou pour se faire « ponctuellement
plaisir » se retrouvera vite dans nos poubelles et contribuera
inévitablement à salir la planète. N'achetons donc que ce qui nous sert
vraiment ou nous comble indiscutablement sur le long
terme, et n'exagérons pas nos achats...
Des substances mutagènes
Un objet manufacturé est rarement anodin, et c'est dans un
article du Monde du 12 août 2012 où l'on apprend que les millions
d'éthylotests que l'on s'apprête à jeter le long des routes
contiennent du chrome VI, une substance chimique très dangereuse
pour l'environnement et la santé. Cette substance « cancérigène,
mutagène et reprotoxique » est l'objet d'inquiétudes
présentées par l'association Robin des bois :
« Robin des Bois s'inquiète des risques de pollution des eaux
superficielles et souterraines engendrés par la mise en décharge des
éthylotests usagés. Brûlés, ceux-ci chargeraient les fumées
des incinérateurs en chrome. A raison de deux millièmes de
gramme par éthylotest et de 60 millions d'unités mises sur le marché, la
quantité de chrome VI à traiter serait d'environ 120 kg par
an. »
Bref,
avec la prolifération programmée des éthylotests,
nous
venons de créer un problème sanitaire et ce sont
des tonnes de chrome
que l'on s'apprête à
déverser chaque année dans la
nature.
La vie humaine n'ayant pas de prix, continuons donc à polluer la
planète...
Source:
agoravox.fr